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Je t'envie.



Je t'envie.


Oui toi, je t'envie. J'envie tout ce que tu es, tout ce que tu as. Ce temps infini. Ces caresses. Ces sourires. Ces moments privilégiés. Cette absence de peur. Cette absence de doute. Cette chance inouïe de pouvoir partager. De pouvoir te blottir. D’avoir cette sensation d’exister. D’être en vie. De ne pas pleurer. De rire. Chaque jour rire.


Je t’envie car tu as tout ce que je n’ai pas. Tu as tout ce qui me manque. Tout ce que je cherche. Tu as tout. Et moi, je n’ai rien. Ou en tout cas, c’est ce que je crois…


Dans ma tête tout va très vite.


Je me souviens petite, lorsque je partais en vacances, je n’avais pas d’amis. Mes grands frères et soeur avait plein d’amis. Ils passaient leurs journées à faire des projets. A inventer de nouvelles activités et à créer des liens. Et moi je restais seule. Je n’avais pas de groupe d’amis. Et je les enviais. Je les enviais d’avoir tout un tas d’amis. Je les enviais de faire des escapades en vélos. De partir faire du camping. D’écouter pendant des heures de la musique d’un groupe quasi inconnu. De partir précipitamment à la fin du déjeuner en disant "j’ai rendez-vous". Et je rêvais leur vie. Je rêvais de vivre cette vie. De me faire des soirées jusqu’au bout de la nuit. Je vivais dans l’envie.


Lorsque j’ai grandi, dès le lycée j’ai eu mon groupe d’amis. Non pas dans notre lieu de vacances. Ça je n’y ai pas eu le droit. Mais ailleurs, dans mon quotidien. J’ai eu la chance de faire mes virées, mes soirées et mes expériences. Oui mais, je voulais plus. Je voulais l’indépendance. Je voulais vivre pour moi-même. Sans contrainte. Juste pour vivre ce que je pensais être la liberté. Voyager. De traverser le globe avec un sac à dos. Et avoir l’impression d’exister. Comme le vivaient, me semblait-il, les autres, les étudiants.


Alors c’était parti pour les études. J’ai choisi de partir loin, très loin, pour vivre ma vie. Je me suis lancée dans une voie, et là, pendant 5 ans, j’ai envié tous les autres. J’ai envié ceux qui faisaient des études plus humaines. Ceux qui touchaient à des études créatives. Ceux qui avaient commencé à travailler après un bac +2. Celles qui avaient un mec dans leur vie. Celles qui avaient des projets et une vie toute tracée. Parce que pour moi, c’était loin d’être le cas, d’avoir une vie toute tracée. Au contraire. J’ai pris la lourdeur de la vie en pleine figure lorsque j’avais 19 ans. J’ai compris que ce que j’enviais depuis des années : la liberté, l’indépendance, la vie d’adulte, était plutôt source de stress, que de sérénité. J’ai compris que j’avais envié des choses, sans vraiment prendre conscience de tout ce que ça représentait.


A la fin de mes études, j’ai enchaîné machinalement sur un boulot et je me suis dis qu’"enfin" j’allais vivre ma vie. Etre en couple, avoir des enfants, travailler à mon rythme, avoir une maison, un jardin… Vivre la vie qui était bien enracinée dans mon imaginaire. Dans ce que je pensais être bon pour moi.


Oui. Mais ce n’est pas ce qui s’est passé.


J’ai bossé, comme une folle. Et j’ai envié la caissière du supermarché en bas de chez moi. Je l’ai enviée de ne pas avoir de responsabilité. De travailler 35 heures. D’avoir du temps pour elle. De pouvoir souffler. De pouvoir faire autre chose. J’ai envié mes amies qui se sont mariées. Qui ont eu des enfants. D’avoir un homme dans leur lit. D’avoir des câlins de leurs enfants. D’avoir des cadeaux en forme de gribouillage. D’avoir une grande cuisine. Et de se sentir aimées. J’ai envié mes amis qui habitaient à la campagne, d’avoir un rythme plus sain, d’habiter dans la nature, et d’avoir chaque jour des oeufs frais pondus par les poules de leur jardin.


Oui mais…


A quoi ça sert d’envier ? Comment ça m’a aidé d’envier ? De toujours envier ? de toujours chercher à atteindre autre chose ? De toujours regarder à coté ? De systématiquement me comparer ? D’exister constamment au travers des autres ? D’imaginer sans arrêt qu’ils sont plus heureux que moi ? D’avoir en tête qu’il me manque encore quelque chose ?


Ça m’a servi simplement à vivre ma vie par procuration. A ne pas l’incarner. A ne pas la vivre. Mais à tout mettre de côté en imaginant la suite. Alors que ma vie se vit aujourd’hui. Et non demain. Car je ne sais pas de quoi demain sera fait.


Tout à l’heure une amie, qui a des enfants, m’a dit qu’en cette période de confinement elle enviait ses amis célibataires. Il y a donc un problème, vous le voyez ? D’un côté la femme célibataire meurt d’envie d’avoir des enfants. De l’autre la mère de famille meurt d’envie de ne pas en avoir. D’un côté la femme célibataire meurt d’envie d’avoir un amant. De l’autre la femme en couple meurt d’envie de dormir tranquille.


Alors pourquoi envier l’autre ? Pourquoi ne pas accepter notre vie ? Et la construire à notre image ? Pourquoi ne pas simplement vivre ce qui nous est donné. Et accepter que nos désirs, d’être en couple, d’avoir du temps pour soi ou d’avoir un enfant, arriveront avec le temps. Et ils arriveront non parce que nous "envions" les autres mais parce que nous avons pris le temps d’allez vers eux. Avec notre tempo. Avec nos besoins. Avec nos désirs. En mettant des choses en place, et en nous écoutant.


Il y a deux ans, j’ai compris que si je continuais à envier les autres, alors je ne vivrais jamais ma vie. Et pourtant si je suis sur terre, c’est bien pour vivre ma vie. Donc j’ai arrêté de me comparer. Dès que ma petite voix intérieure me lance une idée de comparaison, qui en général m’abaisse, je la stoppe nette.


Je me souviens par exemple, être à la terrasse d’un café. J’étais avec 3 amis. Et au fur et à mesure nous sommes devenus de plus en plus nombreux. Jusqu’à atteindre le nombre de 20. Sans le savoir j’étais dans un rendez-vous de copains, sans faire partie de ce "groupe" de copains. J’ai d’abord été gênée. Je me suis dis qu’il fallait que je parte. Que je n’étais pas à ma place. Que la nana qui était en face de moi était très à l’aise et que ce n’était pas du tout mon cas. Que j’allais passer pour une idiote, qui n’a rien à dire et qui n’ouvre pas la bouche. Qu’ils étaient tous beaucoup plus cool que moi. Je me souviens ainsi m’être rabaissée… intérieurement. En me comparant à eux. Et en les enviant d’être aussi à l’aise et drôles. D’être dans un groupe de copains aussi sympa. Et là, à un moment j’ai stoppé cette petite voix. Je me suis dis, d’une manière très nette : "si je suis là, c’est que je dois être là". Comme si cette force intérieure était revenue comme un boomerang et m’avait dit : "arrête, c’est ridicule". Car c’était ridicule. Personne ne me considérait "de trop". J’étais la seule à le penser. Donc je suis restée là. Et j’ai passé une superbe soirée !


A un moment, je pense, il faut choisir. Choisir d’envier. Ou choisir de vivre. Pourquoi ne choisirions nous pas simplement de vivre ?


Belle semaine,

Marie-Liesse



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